La Belle D’Ilur à Séné, une perle rare

Focus    27 mai 2022

C’est au fond du Golfe du Morbihan, en face de l’île de Boëdic, que vous trouverez le chantier ostréicole, La Belle d’Ilur, véritable perle rare tant par son environnement que par l’approche de production de celle qui dirige le chantier, Nolwenn Réhault accompagnée par son équipe.
Rencontre avec une professionnelle aussi passionnée qu’engagée.

1/ Pouvez-vous nous expliquer votre parcours ?

Je suis ostréicultrice depuis plus de 10 ans et ai toujours travaillé en rapport avec la mer. Auparavant, j’élevais des ormeaux au sein d’une entreprise.
J’ai toujours eu un lien très fort avec la mer.
Puis, j’ai souhaité travailler pour moi et plus pour quelqu’un et selon un mode de production avec lequel j’étais en adéquation. J’ai donc choisi la production d’huîtres.
J’ai une maîtrise de biologie des organismes et des populations que j’ai obtenue à Rennes ainsi qu’un DESS d’aquaculture. À l’évidence, le statut d’enseignant-chercheur ne me convenait pas. J’avais besoin d’un métier ayant une approche « plus primaire, plus existentielle » et donc produire de l’alimentation avait plus de sens pour moi. J’avais besoin d’un lien fort avec le vivant.

Ce choix est probablement lié aussi à mon histoire familiale car j’ai été élevée à côté d’une petite ferme par des parents profs et instits, très proches de la mer, qui naviguaient et allaient à la pêche.

2/ Racontez-nous la production d’huîtres à la Belle d’Ilur ?

Je ne voulais plus être dans un type d’élevage ou tout est contrôlé, orchestré par l’humain. Je souhaitais une production plus proche de la nature.

Au départ, j’avais envisagé de ne faire que le captage pour pouvoir concilier mon métier et ma vie familiale. La première année, j’ai réalisé un excellent captage mais les cours se sont écroulés. C’est à cause de cette épreuve que tout a démarré. J’ai expliqué au banquier que je possédais de grandes quantités de petites huîtres et que je souhaitais poursuivre et valoriser cette production. C’est ainsi que cela a débuté : acheter des parcs pour faire grandir les huîtres, mettre aux normes un chantier pour pouvoir les commercialiser, découvrir la réglementation, acquérir les compétences…

3/ Que signifie l’expression « huîtres en reproduction naturelle » ?

Je voulais réaliser une production traditionnelle respectueuse de l’environnement, de la saisonnalité.
Notre production d'huîtres commence en Charente-Maritime à Fourras dans les eaux du Pertuis. C'est dans cette mer charentaise que les huîtres se reproduisent naturellement.

Tous les ans, les collecteurs sont posés entre la mi-juillet et la mi-août sur les parcs. Les eaux chaudes de l'été permettent, en effet, aux larves d'huîtres de suivre leur cycle de métamorphose pour ensuite se fixer sur les collecteurs.
Au printemps suivant, le naissain d’huîtres est récolté et sera élevé pendant 3 ans en mer sur le parc de l’Ile d’Ilur dans le Golfe du Morbihan.
Pendant les trois années d’élevage, notre travail va consister à réaliser de nombreuses manipulations afin que les huîtres puissent s’épanouir et se nourrir correctement : dédoubler les poches pour suivre la croissance, ramener les poches, les cribler, les remettre à certaines densités, les ramener en mer…Ce travail sur les poches l’essentiel de notre travail quotidien.

4/ Les huîtres du Golfe du Morbihan sont-elles spécifiques ?

L’huître du Golfe est très bien équilibrée. Les saveurs iodées et florales sont très intéressantes. Elles ne sont ni trop douces, ni trop fortes. Cela s’explique par le phytoplancton qui se développe dans le Golfe, par l’hydrologie et les substrats sur lesquels la mer est posée.

C’est un véritable terroir.
On pourrait faire une labellisation « Huîtres du Golfe - AOC ».

5/ Être une femme dans ce métier, qu’est-ce que cela implique ?

Oui, ce n’est pas forcément simple. Nous sommes confrontées à des lourdeurs et des freins administratifs. Les banquiers ne vous suivent pas facilement parce qu’en tant que femme ostréicultrice vous n’êtes pas forcément prise au sérieux.
Physiquement, le corps prend souvent la mesure du travail à accomplir et s’adapte : les poches font 20 kg, le chaland pèse 4 tonnes et il faut parfois le retenir lorsque le vent souffle…

6/ Que diriez-vous pour encourager les jeunes à s’engager dans le métier ?

Je dirais que c’est le plus beau métier du monde ! Et si on est une femme, il ne faut pas hésiter à se lancer !
Il faut savoir que le costume est lourd à porter car le métier demande une multi-compétence. Mieux vaut ne pas se lancer « la fleur au fusil » ! Je conseille plutôt d’intégrer une entreprise dans le but de la reprendre.
C’est un métier passionnant mais qui demande une certaine formation. C’est une préoccupation de tous les instants, c’est toute une vie !

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